La surconsommation de benzodiazépines et médicaments apparentés est un problème alarmant dans notre pays depuis des années. La Belgique détient d'ailleurs un triste record en matière de consommation à long terme de benzodiazépines. Or, vu la dépendance physique et mentale qu'ils entrainent, leur usage devrait se limiter à des situations exceptionnelles.
Depuis son lancement, ce nouveau service en pharmacie dépasse largement les attentes. C'est un franc succès aux quatre coins du pays.
« Depuis son lancement, indique Michael Storme, le vice-Président de l'APB, ce nouveau service en pharmacie dépasse largement les attentes. C'est un franc succès aux quatre coins du pays. Nous remercions le ministre Frank Vandenbroucke pour sa confiance. Après un an, plus de 5.500 patients bénéficient déjà de ce programme de sevrage sur mesure remboursé et près d'une pharmacie sur deux accompagne au moins un patient. Cela montre non seulement l'importance d'un tel service – les besoins en la matière sont effectivement énormes –, mais aussi que sa mise en œuvre est vraiment nationale ; le service n'est pas limité à certaines régions. »
105 nouveaux programmes sont lancés chaque semaine
Les chiffres de l'APB montrent également que 105 nouveaux programmes de sevrage sont entamés chaque semaine en pharmacie. Ce nombre reste plus ou moins stable. La plupart des médecins prescrivent un programme long, avec un sevrage lent. Les chances de succès sont en effet plus élevées lorsque le sevrage est très progressif. A quel point le nouveau service est-il efficace ? Il faudra patienter encore quelques mois avant de pouvoir en dresser un bilan complet. Des recherches internationales ont déjà montré que le taux de réussite de ce type de plan de sevrage varie entre 40 et 65 %, en fonction de la situation personnelle du patient et de sa consommation médicamenteuse.
Les benzodiazépines sont les somnifères et les calmants les plus couramment utilisés. Stilnoct, Zolpidem, Lormetazepam, Xanax et Valium en sont des marques connues. Ces médicaments ne constituent jamais une solution durable aux problèmes de sommeil ou de stress, bien qu'ils soient principalement prescrits dans ce but. En cas d'usage prolongé, ils créent une dépendance, augmentent le risque de chute (en particulier chez les personnes âgées) et présentent de nombreux effets indésirables. Or les Belges sont parmi les plus gros consommateurs de benzodiazépines au monde. En 2021, les pharmacies belges en ont délivré quelque 400 millions de doses, ce qui correspond à une consommation quotidienne moyenne d'environ 1,1 million de doses.
Médecins, pharmaciens et psychologues travaillent ensemble
Depuis le 1er février 2023, les patients adultes désireux d'arrêter progressivement leur consommation chronique de somnifères peuvent s'adresser à leur pharmacien pour obtenir des préparations magistrales au dosage dégressif. Ces préparations ne sont disponibles que sur prescription médicale et sont adaptées aux besoins du patient. Les préparations magistrales et l'accompagnement prodigué par le pharmacien sont remboursés par l'INAMI. Le patient ne paie que la boîte du somnifère qu'il prenait et que le pharmacien va utiliser pour réaliser ses préparations.
Au-delà de la motivation du patient, la « relation triangulaire » entre le médecin prescripteur, le pharmacien et le psychologue qui vont accompagner ce patient est essentielle à la réussite du sevrage.
« La collaboration entre le médecin et le pharmacien est importante pour la réussite du patient en phase de sevrage, précise Michael Storme. Le médecin va motiver son patient et lui prescrire un programme adapté. Le pharmacien – en tant que « coach santé » proche et accessible – va accompagner et suivre activement le patient tout au long du programme de sevrage. Si nécessaire, il pourra également l'orienter vers un psychologue de 1ère ligne pour une aide supplémentaire. C'est un peu comme pour la cessation tabagique : il est très difficile de s'en sortir seul. Mais un sevrage progressif, accompagné, permet d'obtenir des résultats. »
La collaboration entre le médecin et le pharmacien est importante pour la réussite du patient en phase de sevrage.
Qui peut bénéficier de cet accompagnement ?
Le programme de sevrage progressif en pharmacie est accessible à toute personne adulte ne résidant pas en maison de repos (ou autre institution) et qui consomme de manière chronique un (seul) somnifère (benzodiazépine ou Z-drug) depuis au moins 3 mois. Les pharmacies ont le choix de proposer ou non ce service à leur patientèle.
Le programme est toujours initié par une prescription du médecin. Le dosage du somnifère peut être réduit lentement ou rapidement. Il existe 3 schémas de sevrage possibles (en 5, 7 ou 10 paliers de 10, 20 ou 30 jours). Le médecin détermine avec son patient la « vitesse » de son sevrage et peut également, si le patient en ressent le besoin, prescrire 2 paliers de stabilisation qui vont « ralentir » quelque peu le programme. Le programme le plus rapide prévoit ainsi un sevrage en 50 jours, tandis que le plus lent s'étend sur 360 jours.
Le pharmacien réalise les préparations magistrales en utilisant le somnifère pris par le patient. Il propose également un entretien d'initiation et de suivi, au cours desquels il va donner toutes les informations nécessaires sur le programme de sevrage. Son rôle est également d'écouter et de motiver le patient afin de l'aider à mener le programme à son terme.
Le succès de ce service d'accompagnement montre que les gens ont vraiment besoin de cette aide.
« Le succès de ce service d'accompagnement montre que les gens ont vraiment besoin de cette aide. Nous nous attendons d'ailleurs à ce que d'autres groupes de patients trouvent la motivation nécessaire pour s'attaquer à leur consommation chronique de benzodiazépines, notamment grâce à l'intérêt des médias pour ce nouveau service en pharmacie. Les gens se reconnaissent dans les témoignages diffusés et l'idée du sevrage fait peu à peu son chemin. En tout cas, les pharmaciens sont fin prêts pour les accompagner. L'évolution de notre profession vers plus de soins pharmaceutiques vise justement à répondre aux besoins de santé publique. Les résultats actuels de ce nouveau service en apportent une preuve éclatante, » conclut Michael Storme.